Salon des Rancios Secs à Perpignan


Vins oxydatifs: les oubliés des caves se rebiffent!

A Perpignan, le salon des vins oxydatifs marque l’occasion pour les professionnels, cavistes ou sommeliers de devenir orpailleur, chercheur de pépites gustatives parmi ces nectars mordorés, rancios, Banyuls, Xérés, Maury, vin jaune du Jura…

Le salon des vins oxydatifs secs qui s'est tenu lundi à Perpignan a réuni les artisans du renouveau de ces nectars anciens oubliés . LP/Christian Goutorbe
Le salon des vins oxydatifs secs qui s’est tenu lundi à Perpignan a réuni les artisans du renouveau de ces nectars anciens oubliés . LP/Christian Goutorbe

« C’est une journée extraordinaire, riche de rencontres multiples », s’exclame Josep Roca, le mythique sommelier du Celler de Can Roca, à Gérone (Espagne). Le restaurant familial conduit par Joan, Jordi et Josep depuis 1986 a été sacré meilleur restaurant du monde en 2013 et 2015. Ce lundi, il était en mission d’exploration au salon de Perpignan (Pyrénées-Orientales) pour y rencontrer la grande famille des producteurs européens des vins oxydatifs secs, des rancios. Autrement dit des vins qui vieillissent au contact prolongé de l’oxygène ou sous un voile de levures.Josep lui-même est un passionné de ces vins d’autrefois, tirés d’une cuve oubliée au fond d’une cave, le plus longtemps possible. Dans la cave du Celler de Roca, sur les 4 000 références de vins (l’une des plus belles caves d’Europe), 300 sont des rancios. Des nectars élevés avec passion en Roussillon, dans l’Emporda, en Gaillac, des Montilla et des Xérès. « Les rancios secs sont des vins déshydratés, hyperconcentrés. Il convient donc de les déguster en très petite quantité comme de véritables bijoux. Et en cuisine avec un rancio, on peut faire des miracles », s’enthousiasme Josep Roca.

«La sève sage d’une culture millénaire»

« Dans un vin oxydatif, il y a la sève sage d’une culture millénaire, avec le sédiment culturel des ancêtres. Ces vins nous parlent de mémoire, d’héritage, de transcendence et de gestion du temps. Voici l’occasion de profiter du travail des générations précédentes qui mérite continuité et respect. Quand on boit un oxydatif, on boit tout cela », poursuit Josep qui court déjà d’une table à l’autre pour découvrir, déguster.

Il s’attarde à la table d’un producteur de vins de Loire, domaine de la Grézille à Tuffalun, devenu un oxydatif producteur par accident. « À la reprise du domaine, nous avons oublié de récolter sept rangées du cépage Cabernet Franc. Et nous avons découvert les grappes beaucoup plus tard au moment de la taille. Alors nous avons tenté d’en faire quelque chose », raconte Bruno Paillocher. A l’arrivée, une gamme de cinq références et quelques centaines de bouteilles seulement, dont un flacon d’exception : « le Sang de la terre ». Le nectar est sublimé par l’oxydation conduite avec soin pendant de longues années.



Josep Roca fixe l’image de l’étiquette avec son smartphone avant de filer vers la grande maison de Xeres, l’enseigne absolue Emilio Hidalgo gardienne de la pureté et de la tradition. « Pour préserver la qualité, il y a trois conditions : la nature des raisins récoltés de cépage Palomino, le terroir, cette terre crayeuse et puis bien sûr le travail en cave. Ainsi peut-on perpétuer l’hérédité », savoure Juan Manuel Hidalgo, 5e génération de producteurs qui destine ses 40 000 bouteilles à des connaisseurs, des cavistes, des grands restaurants, des sommeliers curieux de faire découvrir de nouvelles saveurs à leurs clients en apéritifs comme à l’heure du dessert. Ou bien en cuisine. « J’aime beaucoup faire ce jeu avec une gamba de Palamos, celui de proposer la queue avec une manzanilla (rancio léger) et la tête avec une goutte de vin amontillado (plus ancien) », poursuit Josep Roca qui dévoile ainsi un peu des essayages gustatifs qui se font dans les cuisines du Celler.« Je fais également des accords avec des pickles de légumes, des escabèches et des aliments comme l’artichaut et autres ingrédients difficiles à marier avec des vins classiques », s’amuse encore Josep Roca, attendu le lendemain à la maison de Gérone pour arbitrer le meilleur match possible entre des vins de Xérès et des compositions culinaires ultimes.

Passion rancio

Partout, la passion rancio sec gagne chaque mois du terrain, même si les productions sont très réduites. « Avec ce rendez-vous européen de passionnés, nous avons rassemblé une famille qui était invisible. Les bouteilles de rancio, c’était jusque-là le vin des copains, des amis. C’était toujours de petites quantités. C’est encore le cas aujourd’hui. Cela reste un produit d’appel pour un vigneron », décrypte Alain Potier coorganisateur du rendez-vous de Perpignan et auteur de la nouvelle bible (La nouvelle épopée des vins oxydatifs secs/Éditions Trabucaire).« C’était une production oubliée, le plus souvent sans commercialisation. Aujourd’hui c’est un outil de promotion pour la production de l’Emporda reconnu par les sommeliers, prisé des cuisiniers », confirme Xavier Alberti, qui représente la cinquantaine de producteurs de la Catalogne Sud, gardiens avec les vignerons roussillonnais de la tradition des oxydatifs secs.

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